Il y a 12 ans, le rapport Culture_Acte 2 était remis au gouvernement [1].
12 ans, c'est aussi la durée qu'il a fallu à l'éditeur Open Source Linagora pour définitivement assurer la protection de son innovation contre un concurrent contrefacteur et déloyal [2].
Le licence en jeu est la licence Affero GPL v3. Cette licence exige que "un programme modifié est exécuté sur un serveur et [permet à ] d'autres utilisateurs [de] communiquer avec lui, [le] serveur doit aussi permettre de télécharger le code source correspondant à la version modifiée en fonctionnement" [3].
En quelque sorte, la licence Affero GPL v3 entrave les velléités de sortir le bien numérique des communs numériques en en restreignant l'accès [4].
Cet arrêt invite à réfléchir sur les différents niveaux de "communs numériques", applicables en B2B, B2C, ou B2A.
Si
l'on peut compter une grosse centaine de licences open source, il y a 6
contrats Creative Commons : "by", "by-sa", "by-nc", "by-nc-sa",
"by-nd", "by-nc-nd".
Ces 6 licences Creative Commons ont en partage
le "by" (attribution de la paternité), qui est essentiel pour exercer
une intégrité intellectuelle et une loyauté dans les affaires.
[1]Culture Acte 2 - remise du rapport de Pierre Lescure, X-Propriété-Intellectuelle [mai 2013]
[2] Annonce de l'éditeur open source Linagora sur Linkedin
[3] Licence publique générale GNU Affero, www.gnu.org[4] A 60 : droit de clôture autour d'un bien numérique, L'entreprise numérique créative, dec 2013
Publication judiciaire
La Cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt n° RG 20/03220 du 27 janvier 2025, statuant sur l’utilisation d'une partie du code du module [OS] dans les versions du module [BE] antérieures à 2015 a ordonné la publication judiciaire suivante :
- « Dit que le module OS, propriété des sociétés L. , est original et constitue une œuvre de l'esprit protégeable au titre des droits d'auteur ;
- Dit que la société B. a commis des actes de contrefaçon du module logiciel OS en effaçant la mention de paternité des sociétés L. sur 25 de ses fichiers portant atteinte à leurs droits patrimoniaux et moraux sur le module OS ;
- Dit que la société B. a ce faisant commis une atteinte aux droits moraux d'auteur des sociétés L. sur l'œuvre OS ;
- Constate la résiliation de plein droit du contrat de licence GNU Affero GPL v3 conclu entre les parties à effet au 14 décembre 2013. »
Ainsi que des extraits choisis par L.:
« (…) Sur l'action en contrefaçon de droits d'auteur :
Il est constant que le logiciel est susceptible d'appropriation au titre des droits d'auteur.
De même, le logiciel en open source ou accès libre dont la particularité est de permettre aux utilisateurs, sous réserve de la signature électronique d'un contrat de licence, d'accéder au code source, de l'utiliser voire de le modifier, est protégeable au titre des droits d'auteur.
Le titulaire des droits sur un tel logiciel est ainsi recevable à agir en contrefaçon, sous réserve d'en démontrer l'originalité qui le rend accessible à la protection au titre des droits d'auteur, l'existence d'actes contrefaisants et un préjudice en lien de causalité, la contrefaçon étant caractérisée en la matière par le non-respect des termes du contrat de licence qui fixe les conditions d'accès à un logiciel libre. (…) »
« L'effort de personnalisation est (…) suffisamment caractérisé tout au long du développement du programme et permet de retenir (…) l'originalité du module logiciel OS, travail empreint de la personnalité de son auteur, portant la marque des salariés de L. de sorte que celle-ci bénéficie de la protection au titre des droits d'auteur sur ce module logiciel. (…) »
« (…) l'acquisition des clauses résolutoires contractuelles :
(…) En application des clauses contractuelles applicables à l'espèce, la société L. est en droit de se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat de licence à compter du 14 décembre 2013.
Or, l'utilisation d'un logiciel en open source en violation des termes du contrat de licence, constitue un acte de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur, qui permet d'imputer à la société B., des actes de contrefaçon à ce titre sur le seul logiciel OS (…) »
« Sur les atteintes aux droits moraux de l'auteur par appropriation illicite : »
« la société B. a volontairement fait disparaître des mentions de paternité de la société L. sur le logiciel OS, en pleine connaissance de cause (…) »
« Ces agissements volontaires constituent (…) une atteinte au droit moral de l'auteur, L., sur l'œuvre de l'esprit que constitue le module OS, particulièrement protégeable en matière de logiciels open source, la société L. observant à bon droit que le droit moral constitue ici la rétribution de l'auteur dès lors que, du fait de la nature libre de son logiciel, celui-ci renonce à toute valorisation patrimoniale de son travail. »
« Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que la société B. a, par ses agissements, porté atteinte aux droits moraux de l'auteur tels protégés par l'article 121-1 du code de la propriété intellectuelle. »
« Les faits de contrefaçon reprochés à B., portant atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l'auteur relativement à l'utilisation du seul module OS(…) sont ainsi établis ».
« Sur la concurrence déloyale et parasitaire : »
« Le tribunal a retenu des actes de concurrence déloyale de la part de la société B. au préjudice des sociétés L. par débauchage de salariés et parasitaire, par captation de savoir-faire. »
« Il résulte (…) de la chronologie du litige que MM. [K] et [Y], directeurs et associés de L., sont à l'origine de ce débauchage à l'égard de leur ancienne société et employeur avec laquelle ils étaient personnellement en litige. Ces éléments (…) attestent un procédé déloyal de débauchage des salariés (…), la société B. n'ignorant pas le préjudice qu'elle portait ainsi à la société L. par désorganisation et en l'amputant d'une partie de son savoir-faire. »
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