Objet de la note
Cette note a pour objet la description de la logique économique qui pourrait être sous jacente à certains dispositifs de la loi Création et Internet (avril mai 2009).
 
Cette logique a été notamment exposée en reprenant le concept d’« internalisation des coûts externes » par le professeur Olivier Bomsel, Professeur d’économie industrielle à MINES ParisTech, responsable de la « Chaire ParisTech d'Economie des Médias et des Marques », chercheur au Cerna, lors d’une conférence le 10 juin 2009 à la Maison des X, 12 rue de Poitiers, Paris 7ième.

Cette conférence intitulée "Téléchargements : la confiance piratée" a été organisée par Matthieu Bergot, Président de X-eConfiance, un groupe professionnel de l’Amicale de Anciens Elèves et Diplômés de l’Ecole Polytechnique, et Didier Perrot du bureau de X-eConfiance.

Cette note est rédigée par Tru Dô-Khac, Président de X-Propriété-Intellectuelle, un groupe professionnel de l’Amicale de Anciens Elèves et Diplômés de l’Ecole Polytechnique (tdk@do-khac.com ) ; cette note n’engage que son auteur qui avertit de la présence possible d’écarts de forme et de fond avec les thèses originales du Professeur Bomsel.

Le régime de droit d’auteur applicable est le contrat Creative Commons Attribution 2.0 France.


Notes
La logique économique repose sur le principe suivant : Dès lors que des acteurs d'une chaîne économique sont liés contractuellement au consommateur final, ces acteurs innovent soit pour maximiser les avantages délivrés à ce consommateur soit pour minimiser les coûts / risques de transaction encourus par ce même consommateur.
Lors de la phase de construction de l'infrastructure multi media haut débit, le corps politique a promu l’avantage pour le consommateur du libre usage des propriétés intellectuelles (contenu) rendues accessibles par cette infrastructure. Corrélativement, le corps politique restait muet sur les droits des porteurs de propriétés intellectuelles.

Les acteurs de la chaîne économique porteurs d’une relation contractuelle avec le consommateur (diffuseurs, fournisseurs d’accès) ont alors rivalisé pour innover techniquement et commercialement en vue de favoriser ce libre usage, ce qui a emporté un pillage croissant des propriétés intellectuelles.
Pour la phase d'exploitation de l’infrastructure multi media haut débit, il conviendrait d’effacer cet avantage car son maintien menacerait le principe même de propriété.

Dès lors comment réaffirmer la propriété intellectuelle tout en soutenant l’innovation chez les acteurs de la chaîne ?
Cinq moyens se présentent :
  1. paiement à la demande (« offre légale de téléchargement »)
  2. redevance forfaitaire (« licence globale »)
  3. sanction des contrefacteurs par le juge sur saisine initiée par le porteur de propriété intellectuelle spolié (« plainte »)
  4. sanction des contrefacteurs sur procès verbal d’infraction tiré par une autorité assermentée (police, douane) (« amende »)
  5. sanction des contrefacteurs par une coupure d'accès (« dernière étape de la réponse graduée de la loi Création et Internet déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dès lors notamment que celle-ci n’est pas prononcée par une autorité judiciaire ») associée à une restitution de redevance au titre de la suspension de service (« simple peine »).

Les moyens 2 et 4 dont la définition et la mise en œuvre seraient portées par l'Etat, ne relèvent pas de la relation contractuelle entre la chaîne et le consommateur. Dès lors en vertu du principe supra, ces moyens seraient neutres pour les acteurs de la chaîne lesquels, privés de la chance d’amélioration du libre usage des propriétés intellectuelles, ne seraient plus incités à innover techniquement ou commercialement.

Le moyen 3 resterait rarement appelé car pour les porteurs de propriétés intellectuelles susceptibles de porter plainte, le coût de saisine judiciaire resterait supérieur à la compensation possible en dédommagement du préjudice subi.

Les moyens 1 et 5 touchent à relation contractuelle entre la chaîne et le consommateur par la facturation à la demande ou la restitution de la part de redevance relative à l’accès internet temporairement suspendu. Dès lors en vertu du principe supra, l’ensemble des acteurs de la chaîne innoverait pour abaisser les coûts et/ou les risques de transaction pour le consommateur : c’est «l’internalisation des coûts/risques externes» dans la chaîne économique.

En conclusion, outre la réaffirmation politique du droit d’auteur, on pourrait estimer que la loi Création et Internet poursuit un objectif économique général, celui de réorienter l’innovation technologique/commerciale vers la protection du droit d’auteur alors qu’elle était orientée jusqu’à présent vers le pillage du droit d’auteur.